jeudi 30 juin 2011

Et toi, t'es sportif ou intello ?

En lisant mon Télérama hebdomadaire, j'ai souri aux commentaires présentant chaque étape du Tour de France, qui débute samedi. Exemple, pour le Prologue : «C'est beau, un peloton qui s'ébroue dans les embruns. Bienvenue en Vendée pour le départ du grand calvaire, pardon, de la grande boucle. 3430,5 km, 21 étapes et des véhicules sans moteur. Chouette.» 
Oui, à la première lecture j'ai souri, car c'est bien écrit et assez ironique. Et puis en y réfléchissant, je me suis dit que ce n'était pas la première fois que je lisais un tel commentaire sur du sport dans ce magazine. C'est un peu une habitude chez eux de railler tout ce qui touche aux différentes compétitions sportives diffusées sur les multiples chaînes de télévision, et tous ceux qui aiment les suivre. Et en y réfléchissant un peu plus, j'ai trouvé ça limite vexant, et je me suis senti attaqué dans ma nature de sportif... cultivé. Car n'en déplaise à ces chers journalistes de Télérama, magazine que j'apprécie par ailleurs lorsqu'il ne se la joue pas trop intellectuel-bobo, on peut tout à la fois aimer le sport et les arts. Rien ne s'y oppose. En tout cas chez moi.

Je lis Dostoïevski et je regarde des Grands Prix de F1, je suis ému à la fois par le Requiem de Mozart et par un 100 m d'Usain Bolt, je suis aussi à l'aise dans un musée que dans un stade de foot, je suis abonné à Télérama et manque rarement un numéro de L'Equipe Magazine...

Mais tout ceci a commencé très jeune. Quand j'étais petit, on m'opposait, moi le sportif, à mon frère, l'intello. Il prenait des cours de piano et moi de tennis, alors forcément... Cela a continué, plus tard. Même si j'étais loin d'être un mauvais élève, je n'ai jamais été de son niveau, mais je continuais à jouer au tennis ! En "vieillissant", nous nous sommes équilibrés lui et moi, je me suis "cultivé", il s'est "musclé"... Et aujourd'hui, c'est lui qui est inscrit dans une salle de sport et c'est moi qui traîne dans les musées ! Comme quoi...
Comme quoi cette dichotomie est stupide, un peu comme celle qui veut que les garçons jouent aux petites voitures et les filles à la poupée. Je revendique donc haut et fort ma culture artistique et sportive ! Et je crie Vive l'éclectisme, à bas les préjugés ! Mais je reste quand même abonné à Télérama, même s'ils craignent parfois, faut pas déconner...

dimanche 5 juin 2011

La Conquête

C'est l'histoire d'un mec, Nicolas S., qui depuis trente ans ne pense qu'à une seule chose : devenir Président de la République. De 2002 à 2007, du ministère de l'Intérieur à celui du Budget, en passant par le QG de l'UMP, l'ancien maire de Neuilly va peu à peu tisser la toile qui va le porter jusqu'aux plus hautes fonctions de l'Etat. Mais, alors que sa vie professionnelle resplendit, sa vie personnelle tourne au désastre...

Il est rare que le cinéma français s'attaque à la politique. Il est encore plus rare (unique ?) que la fiction évoque un président encore en exercice. Certes, La Conquête ne raconte pas le quinquennat de Nicolas Sarkozy mais comment il est arrivé à l'Elysée. Il n'empêche, un tel vent de fraîcheur, et une telle "insolence", font plaisir à voir. Pendant près de deux heures, Xavier Durringer, connu jusqu'ici pour... pas grand-chose (J'irai au paradis car l'enfer est ici, Chok Dee) nous fait pénétrer dans les coulisses du pouvoir, ses grandes manoeuvres et ses petites phrases assassines, ses alliances et ses trahisons. Et il nous raconte comment le "nabot", comme le surnomment tour à tour Jacques Chirac et Dominique de Villepin, a conquis la France, en même temps qu'il a perdu sa femme.

Face à lui, Sarkozy affronte donc Chirac et de Villepin. De nombreux rendez-vous à l'Elysée, ou déjeuners avec de Villepin émaillent le film. L'occasion pour les différents protagonistes de cette comédie humaine de se dire en face, ou pas, ce qu'ils pensent les uns des autres. Ces scènes sont souvent drôles, notamment grâce aux dialogues incisifs, au sens de la répartie de Sarkozy, et à la savoureuse interprétation des comédiens.
A ses côtés, le "candidat" possède sa garde rapprochée, ses fameux Sarkoboys, avec au premier rang Claude Guéant, l'ami de longue date, toujours présent même quand il reste silencieux, Frédéric Lefebvre ou Pierre Charon. Au milieu de ce bloc de testostérone, une femme arrive tout de même à se démarquer, Rachida Daty. Et tout ce groupe travaille sans cesse à construire l'image de Sarkozy, très souvent bien différente de ce qu'il est en réalité.
Et encore plus près de Nicolas, il y a sa femme, Cécilia. Sa première conseillère, comme il l'appelle. Mais, lassée par toutes les obligations de représentations qu'impose la conquête du pouvoir, blessée par la manière dont son mari la traite parfois, elle va peu à peu se détourner de lui. C'est là le principal ressort dramatique du film : en même temps que Nicolas se rapproche du sommet, Cécilia, séduite par un publicitaire, Richard Atias, qui lui offre une vie différente, plus discrète, disparaît.

Un carton l'annonce au début du film : même si certains personnages et certains dialogues sont réels, La Conquête est une oeuvre de fiction. C'est ce qui fait à la fois la force et la faiblesse du film. Car entre réalité et fiction, la frontière est parfois difficile à déterminer, et on ne sait jamais vraiment si ce qu'on regarde, ce qu'on entend est vrai ou pas. Sur certaines scènes, abondamment relayées par les médias à l'époque, le doute n'est pas permis. Pour d'autres, ce n'est pas le cas. Notamment tout ce qui concerne la rupture avec Cecilia, qui affecte réellement Sarkozy dans le film. Etait-ce également le cas dans la vraie vie, ou bien est-ce un parti-pris du film pour rendre le personnage plus romanesque, attachant ?

Du coup, on ressort avec une impression bizarre, notamment à propos de Sarkozy. Tour à tour odieux, cynique, drôle, blessé, mais toujours combatif, franc et direct, le personnage nous apparaît terriblement... humain. Bien loin de l'image qu'on a de lui, en fait. Moi qui pensais voir un film anti-Sarko, c'est plutôt le contraire qui m'est offert, et j'ai fini par avoir presque de l'empathie pour lui. Au contraire, de Villepin, qui apparaît comme totalement obsédé par "le nabot", est assez détestable. Mielleux, hypocrite, il est bien loin de sa hauteur d'âme et d'esprit qui transparaît publiquement. Quant à Chirac, sa relation avec Sarkozy est étrange. On sent bien qu'il ne sait pas comment s'y prendre avec lui. L'ambition et les manières de celui qui l'a trahi pour Balladur l'exaspèrent, mais d'un autre côté, il sait bien qu'il est le seul capable de lui succéder. Il se méfie mais finit par lui céder tous les outils afin qu'il devienne président. Il l'adoube, sans jamais le lui dire en face...

Un dernier mot, pour conclure, sur l'interprétation de Denis Podalydès. Dès la première scène, par sa démarche, on voit Nicolas Sarkozy. Il parvient à incarner le président sans jamais le caricaturer, que ce soit dans sa voix, sa posture, ses tics... Une performance du même accabit que celle de Xavier Demaison dans Coluche, ou Eric Elmosnino dans Gainsbourg. Et une raison de plus pour apprécier ce film...